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Victoria Slezec-Frick, ingénieure de recherche au sein de l’unité ICE

Victoria Slezec-Frick est ingénieure de recherche au sein de l’unité ICE (Interactions Cellules Environnement) de VetAgro Sup. Elle travaille actuellement sur un projet financé par France Relance[1] : CryoPig – Cryoconservation dans l’urgence des embryons porcins, en partenariat avec l’entreprise AXIOM[2], leader de la génétique porcine en France. Elle nous explique son parcours et le sujet de ses travaux.

Pourriez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Je m’appelle Victoria Slezec-Frick, je suis actuellement ingénieure de recherche dans l’équipe ICE (Interactions Cellules Environnement, UPSP 2021.A104) à VetAgro Sup.

J’ai un parcours un peu particulier puisqu’après mon bac, j’ai intégré les Cours Préparatoires aux Grandes Écoles pour présenter le concours vétérinaire, qui n’a pas abouti. Je me suis donc réorientée vers une licence 3 de Physiologie et Neurosciences Adaptatives et Cognitives à l’Université d’Aix-Marseille, que j’ai validée. Enfin, j’ai intégré le master Biologie de la Reproduction de l’Université de Tours. Ce dernier diplôme m’a permis de me conforter dans l’idée que je voulais travailler en lien avec les biotechnologies de la reproduction animale.

Pendant la dernière année de mon master, j’ai eu la chance de faire un stage passionnant dans l’entreprise ALLICE[3] sur le site de Nouzilly (37), qui est une organisation professionnelle d’élevage représentant l’ensemble des filières de l’insémination bovine, caprine et ovine. J’y ai été formée à la production in vitro d’embryons (PIV) bovins et à leur cryoconservation. La PIV consiste à mettre en maturation des ovocytes I (ou ovules immatures) afin de les rendre compétents pour la fécondation. Puis de mettre ces ovocytes en présence de spermatozoïdes pour qu’ils puissent être fécondés. Enfin, les présumés zygotes peuvent être mis en culture jusqu’à leur développement jusqu’au stade blastocyste expansé (Figure 1). C’est à ce stade qu’ils peuvent être directement transférés à l’état frais dans une femelle receveuse ou cryoconservés dans l’azote liquide (-196°C) afin d’être préservés et/ou transférés ultérieurement.

Figure 1. Code numérique du stade de développement embryonnaire chez les bovins. 1 = ovocyte non fécondé ou embryon unicellulaire ; 2 = embryons de 2 à 16 cellules ; 3 = morula précoce ; 4-9 = embryons au stade post-compaction. (Selon la 4ème édition du manuel de l’I.E.T.S[4])

Sur quoi porte vos travaux exactement ?

Ma tutrice de stage Sarah Janati-Idrissi était doctorante chez VetAgro Sup (thèse Cifre en partenariat avec ALLICE) et m’a mise en relation avec des chercheurs de l’équipe CRB/ICE. Depuis janvier 2022, je fais donc partie de l’équipe ! Je travaille sur le projet France Relance CryoPig – Cryoconservation dans l’urgence des embryons porcins en partenariat avec l’entreprise AXIOM, qui est le leader de la génétique porcine en France.

La production in vitro (PIV) chez le porc est une option intéressante pour les domaines de la recherche tels que les biotechnologies de la reproduction, la transgénèse et la biomédecine. En effet, compte tenu des similitudes génétiques, anatomiques et physiologiques entre les humains et les porcs, cela fait de ces derniers un très bon modèle animal pour tout ce qui est xénotransplantation ou médecine régénérative, mais aussi pour la production de produits biopharmaceutiques (protéines humaines recombinantes). Pourtant, bien que les premiers succès de PIV chez le porc remontent à 1986, le taux de réussite reste relativement bas. Les principaux défis rencontrés sont l’incidence élevée de la polyspermie (fécondation d’un ovocyte par plusieurs spermatozoïdes qui engendre l’arrêt du développement), le blocage au stade quatre cellules (associé à l’activation du génome chez les mammifères) et les faibles taux de blastulation[4].

D’autre part, la PIV et la congélation des embryons qui en résultent peuvent également avoir une grande importance dans la conservation des races porcines et d’autant plus face aux menaces que représentent certaines maladies (ex : peste porcine africaine).

Dans un premier temps, j’ai donc pour missions d’optimiser les méthodes de production in vitro d’embryons porcins en modulant la composition des milieux de maturation et de développer de nouvelles stratégies pour la fécondation in vitro, afin d’obtenir in fine de bon taux de blastulation. Puis, d’établir de nouveaux protocoles de cryoconservation permettant de minimiser les dégâts cellulaires, en jouant à la fois sur la composition des solutions cryoprotectrices, les durées d’incubation et les cinétiques de refroidissement/réchauffement (voir Figure 1).

Figure 3.  Organigramme indiquant le processus de production in vitro du porc. Les principaux défis pour une mise en œuvre commerciale sont notés en rouge, ceux-ci définissent les priorités de recherche actuelles dans le domaine[5].

Que faites-vous exactement ?

Je vais régulièrement sur le terrain puisque nous récupérons les ovaires prélevés post-mortem à l’abattoir afin de pouvoir y extraire par la suite les ovocytes. Pour l’instant, j’ai deux abattoirs de référence : l’un situé à 450 km de VetAgro Sup, à Lacaune dans le Tarn (81) ; l’autre situé à 20 km, à Saint-Romain-de-Popey.

Je travaille majoritairement au laboratoire pour réaliser les différentes étapes de production in vitro. Sans oublier que je dois produire l’ensemble des solutions qui vont me permettre de mettre mes différentes structures (ovocytes, embryons) en culture. Je regarde également, à chaque étape, la qualité des structures obtenues, notamment par marquage différentiel et observation au microscope confocale. Je passe également une partie de mon temps derrière l’ordinateur afin d’effectuer des recherches bibliographiques et d’analyser les données obtenues.

Je rends compte enfin régulièrement de l’avancement de nos travaux auprès du partenaire dont le siège social est situé en Indre-et-Loire.

Qu’est-ce qui vous plait dans ce projet ?

J’ai toujours été passionnée par la biologie animale donc la production in vitro et la cryoconservation sont pour moi des domaines d’études extrêmement intéressants. Appliqués à n’importe quelles espèces sauvages, cela permet de préserver du matériel biologique précieux et nécessaire à la préservation des espèces en danger ou en voie d’extinction, par exemple. Mais appliqués de façon plus locale, cela permet aussi de palier d’éventuelles menaces comme des virus ou bactéries qui pourraient décimer des élevages entiers.

De plus, la PIV chez le porc étant encore mal maitrisée, je trouve que cela représente un défi d’y parvenir.

Quelles suites à vos travaux ?

Je souhaiterais dans un premier temps que ce projet France Relance se transforme en thèse Cifre. Je trouve qu’il y a une belle harmonie entre l’équipe ICE et l’équipe d’AXIOM.

Une fois un protocole de routine établi pour ce qui est de la production et de la cryoconservation des embryons porcins, je souhaiterais continuer à rester dans ces domaines de recherche mais sur d’autres espèces. Pourquoi pas une espèce sauvage, ou une espèce d’animaux de compagnie, puisque j’aurais déjà travaillé avec deux espèces d’animaux de rente (bovin, porcin).

[1] Dans le cadre du plan « France Relance » lancé le 3 septembre 2020, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) porte une mesure destinée à aider à la préservation des capacités humaines de Recherche et Développement (R&D) des entreprises, et à mettre à disposition des entreprises de jeunes diplômés et docteurs. Les structures de recherche sont le point d’entrée des entreprises et signent une convention bénéficiaire avec l’ANR, opérateur de financement de la mesure. https://anr.fr/fr/plan-de-relance/ 

[2] https://www.axiom-genetics.com/

[3] Nouvellement appelée Eliance du fait de la fusion de ALLICE et FCEL https://www.eliance.fr/

[4] I.E.T.S : International Embryo Technology Society (https://www.iets.org/)

[5] Fowler, K.E., Mandawala, A.A., Griffin, D.K., Walling, G.A., Harvey, S.C., 2018. The production of pig preimplantation embryos in vitro: Current progress and future prospects. Reprod. Biol. 18, 203–211. https://doi.org/10.1016/j.repbio.2018.07.001