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Qu’est-ce-que la leptospirose ? Comment la traite-t-on ? Tout savoir sur cette maladie qui se transmet de l’animal à l’homme en cette période estivale.

Qu’est-ce-que la leptospirose ? Comment se transmet-elle ?

La leptospirose est une maladie bactérienne de répartition mondiale. Elle touche l’homme et les animaux domestiques, en particulier le chien. On recense environ 600 cas humains en France métropolitaine par an (dont 10 % mortels) et plusieurs milliers de cas canins. Les mammifères de la faune sauvage, en particulier le rat mais aussi le hérisson et le ragondin, sont des porteurs sains de la bactérie. En effet, ils hébergent la bactérie dans leurs reins sans présenter de symptômes : on les appelle « espèces réservoirs ». Ils contaminent l’environnement par leurs urines. La bactérie peut survivre plusieurs mois dans un environnement humide souillé par les urines de rongeurs. Le chien et l’homme se contaminent très rarement au contact direct d’un rat, beaucoup plus souvent par contact avec l’environnement souillé. La contamination survient au travers de muqueuses saines (buccales, oculaires, nasales) ou à la faveur d’une plaie, souvent par abreuvement (chien) ou loisirs aquatiques en eau douce (homme, chien). La leptospirose est une zoonose c’est-à-dire une maladie transmissible de l’animal à l’homme. Les cas de contamination de l’homme par le chien sont exceptionnels, y compris pour le personnel soignant vétérinaire.

Quels en sont les symptômes ?

Chez le chien, la maladie peut être fruste et bénigne (syndrome fébrile transitoire) comme gravissime et même mortelle. Les symptômes les plus classiques sont un abattement, une anorexie et des vomissements dans 75 % des cas. La fièvre est inconstante. Une hypothermie est même fréquente. Dans les formes graves, on observe presque toujours une insuffisance rénale aiguë qui peut nécessiter une dialyse, seul moyen de sauver l’animal dans certains cas. Une atteinte hépatique est également fréquente, parfois accompagnée d’un ictère (jaunisse). Une diarrhée hémorragique, des saignements spontanés, des difficultés respiratoires sont d’autres manifestations possibles de l’affection.

Quels vaccins ?

Les premiers vaccins contre la leptospirose sont nés dans les années 70, suite à des épidémies canines meurtrières. On a constaté une perte d’efficacité de cette première génération de vaccins à partir des années 2000 (recrudescence de cas sur des chiens à jour de leurs vaccins). Depuis 2012 en France, une nouvelle génération de vaccins offrant une protection plus complète est disponible. La famille des leptospires est en effet très diversifiée et de nouvelles catégories de leptospires sont impliquées dans les cas actuels de la maladie. Après une primovaccination classique chez le chiot (comportant deux injections espacées de 3 semaines), les rappels sont annuels. Un changement de génération de vaccins sur un chien adulte impose de refaire une primo-vaccination. Le vaccin agit en stimulant la production d’anticorps contre le type de leptospires qu’il contient, au nombre de 2 dans l’ancienne génération de vaccins et de 3 ou 4 dans la nouvelle. Les nouveaux vaccins ont fait l’objet d’une polémique quant à leur sécurité d’emploi. Leurs effets secondaires, possibles comme pour tout vaccin, sont dans la très grande majorité des cas modérés, bénins et disparaissent rapidement (réaction au point d’injection, fatigue). Les vaccins dits quadrivalents contiennent 4 types de leptospires et offrent le niveau de protection le plus élevé, car ils ciblent les types émergents de leptospires. Les vétérinaires les recommandent en raison de la protection élevée qu’ils assurent, en accord avec les consensus d’experts européens et américains sur la leptospirose canine. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les chiens vivant en ville sont au moins aussi touchés que ceux vivant à la campagne et doivent être protégés.

Si les vaccins actuels peuvent couvrir jusqu’à 4 types de leptospires, il en existe bien d’autres et la recherche actuelle ambitionne de développer un vaccin « universel », capable de protéger le chien contre tous les types de leptospires. Avec le développement spectaculaire de la biologie moléculaire et du séquençage massif, on connaît de mieux en mieux le génome de ces bactéries et leurs facteurs de virulence qui constituent leurs armes. Cela devrait permettre de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques (immunothérapie).

Quels traitements ?

Le traitement repose avant tout chose sur une antibiothérapie spécifique et précoce. Les leptospires y sont très sensibles et aucun facteur de résistance aux antibiotiques n’a été pour le moment identifié. Cependant, même si les antibiotiques sont très efficaces et permettent l’élimination des leptospires, les lésions causées par ces derniers dans les différents organes nécessitent un traitement souvent plus long et plus lourd.

Et la plupart du temps, ce sont ces lésions qui sont à l’origine du décès de l’animal. Il faut évidemment penser aux insuffisances rénales aigues engendrées par cette colonisation. Dans les cas les plus graves, cette insuffisance rénale aigue est associée à une incapacité de l’animal à produire des urines, ce qu’on appelle une anurie.

Dans ce cas particulier, les techniques d’épuration extrarénale sont la pierre angulaire de la prise en charge. Le campus vétérinaire de VetAgro Sup possède un centre de dialyse (le premier en France qui a été créé il y a 20 ans pour les animaux grâce à la coopération de l’unité de physiologie et le service d’urgence et de soins intensifs (SIAMU)) qui permet de traiter ces complications. Ce dernier mois, pas moins de 5 chiens souffrant de leptospirose ont bénéficié de cette prise en charge.

Quel impact avec la fin du confinement ?

Nous entrons dans la saison estivale avec une vague pluvieuse : ce type de temps et cette période de l’année sont particulièrement propices aux contaminations. En effet, les promenades sont plus fréquentes, le temps doux et humide est favorable à la survie des leptospires et le ruissellement des eaux de pluie favorise la dissémination des bactéries et donc la contamination.

Avec la fin du confinement, les chiens deviennent plus exposés à la maladie avec la reprise des activités de loisirs et de promenade. De plus, pendant le confinement, les rappels n’ont pas toujours pu être réalisés aux dates prévues. Il est recommandé de refaire une primo-vaccination si le retard de vaccination dépasse 3 mois.

Où en est la recherche ?

Les recherches sur cette maladie sont nombreuses et visent notamment à améliorer la prise en charge médicale pour faire baisser le taux de mortalité associé à cette maladie mais également à améliorer sa prévention. Plusieurs enseignants-chercheurs du campus vétérinaire de VetAgro Sup ont apporté, grâce à leurs travaux respectifs, des résultats significatifs et des avancées majeures diagnostiques et thérapeutiques sur cette maladie, utilisés par les cliniciens du monde entier.

Voici, par ordre chronologique décroissant, une liste de publications non exhaustive des enseignants-chercheurs de VetAgro Sup au sujet de la leptospirose canine :

  • Barthélemy A, Violé A, Cambournac M, Rannou B, Bonnet-Garin JM, Ayoub JY, Boselli E, Pouzot-Nevoret C, Goy-Thollot I. Hematological and hemostatic alterations associated with extracorporeal renal replacement therapy in dogs with acute kidney injury associated leptospirosis: a pilot study. Topics Comp Anim 2020; 38:100406. http://dx.doi.org/10.1016/j.tcam.2020.100406

  • Cambournac M, Goy-Thollot I, Guillaumin J, Ayoub JY, Pouzot-Nevoret C, Barthélemy A, Bonnet-Garin JM. Acute kidney injury management using intermittent low efficiency haemodiafiltration in a critical care unit: 39 dogs (2012-2015) Acta Veterinaria Scandinavica 2019; 61:17. https://doi.org/10.1186/s13028-019-0452-6

  • Goy-Thollot I, Djelouadji Z, Nennig M, Hazart G, Hugonnard M. Screening for Leptospira DNA in blood and urine from 30 apparently healthy dogs. Rev Vet Clin 2018;53:79-86. https://doi.org/10.1016/j.anicom.2018.06.003

  • Sonet J, Barthélemy A, Goy-thollot I, Pouzot-Nevoret C. Prospective evaluation of abdominal ultrasonographic findings associated with leptospirosis in 35 dogs. Vet Radiol & Ultrasound 2018; 59: 98-106. https://doi.org/10.1111/vru.12571

  • Marquez A, Djelouadji Z, Lattard V, Kodjo A. Overview of laboratory methods to diagnose Leptospirosis and to identify and to type leptospires. Int Microbiol 2017;20:184‐193. http://revistes.iec.cat/index.php/IM/article/viewFile/144202/pdf_1361

  • Mori M, Bourhy P, Le Guyader M, Van Esbroeck M, Djelouadji Z, Septfons A, Kodjo A, Picardeau M.. Pet rodents as possible risk for leptospirosis, Belgium and France, 2009 to 2016. Euro Surveill 2017;22(43):16-00792. https://doi.org/10.2807/1560-7917.es.2017.22.43.16-00792

  • Barthélemy A, Magnin M, Pouzot-Nevoret C, Bonnet-Garin JM, Hugonnard M, Goy-Thollot I. Hemorrhagic, hemostatic, and thromboelastometric disorders in 35 dogs with a clinical diagnosis of leptospirosis: a prospective study. J Vet Intern Med 2017; 31: 69-80. https://doi.org/10.1111/jvim.14626

  • Kodjo A, Calleja C, Loenser M, Lin D, Lizer J. A Rapid In-Clinic Test Detects Acute Leptospirosis in Dogs with High Sensitivity and Specificity. Biomed Res Int 2016;2016:3760191. https://www.hindawi.com/journals/bmri/2016/3760191/

  • Schuller S, Francey T, Hartmann K, Hugonnard M, Kohn B, Nally JE, Sykes J. European consensus statement on leptospirosis in dogs and cats. J Small Anim Pract 2015;56:159‐179. https://doi.org/10.1111/jsap.12328

  • Renaud C, Andrews S, Djelouadji Z, et al. Prevalence of the Leptospira serovars bratislava, grippotyphosa, mozdok and pomona in French dogs. Vet J 2013;196:126‐127. https://doi.org/10.1016/j.tvjl.2012.10.002

Contacts scientifiques :

Marine Hugonnard, DV, PhD, enseignante-chercheuse à VetAgro Sup, médecine interne des animaux de compagnie, Equipe de recherche USC 1233 (leptospirose)

Anthony Barthélemy, DV, PhD, ingénieur de recherche – praticien hospitalier à VetAgro Sup, service d’urgences et de soins intensifs (SIAMU), Équipe de recherche APCSe (agressions pulmonaire et circulatoire dans le sepsis)