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Interview de Noémie Chabanon, étudiante du cursus agronomique confinée dans une entreprise sociale au Pérou durant la crise sanitaire

La période à l’international est incontournable dans la formation d’ingénieur agronome puisqu’une partie du cursus doit obligatoirement se dérouler à l’étranger pour une durée minimale de 2 mois  avant l’entrée en 3e année. Noémie Chabanon a ainsi fait le choix de réaliser une mobilité d’études et de stage au Pérou. Avec la crise sanitaire, Noémie a vécu une expérience quelque peu insolite !

Peux-tu te présenter brièvement ?

J’ai intégré VetAgro Sup en 2018 comme étudiante, après un BTS et une prépa post BTS. Cette année je suis en césure et je retournerai à l’école en septembre pour ma rentrée en troisième année dans l’option EcoTerr. Je suis une curieuse qui aime découvrir de nouvelles personnes, cultures, manières de vivre… et toujours partante pour de nouvelles aventures !

Pourquoi étais-tu au Pérou initialement ? Pourquoi l’Amérique Latine ?

Je suis partie au Pérou pour réaliser une mobilité pour mon 8e semestre à l’université nationale agraire de la Molina, la UNALM (Pérou). Je souhaitais profiter de la possibilité de faire un échange à l’international dans le cadre de notre cursus à VetAgro Sup. De plus, je souhaitais partir dans un pays d’Amérique Latine par goût et les cours proposés par l’université agraire de Lima m’ont convaincue.

Enfin, comme la rentrée était prévue tardivement il me restait un mois à occuper après la fin des cours en France. J’ai donc choisi de réaliser mon stage pré-optionnel, notre stage d’été de deuxième année, au Pérou aussi.

Peux-tu nous présenter en quelques mots ta structure de stage et tes activités ? Comment as-tu trouvé ce lieu ?

Le Champal est une entreprise sociale et solidaire implantée dans la région de Huarochiri au Pérou. C’est une structure qui accueille des volontaires, stagiaires et des contractuels qui travaillent sur des projet divers et variés dans un but de développement local. Ces projets balayent une large variété de domaines (agroécologie, éducation, culture, santé…). L’entreprise met en place des projets sociaux avec différents partenaires régionaux. Cette structure se rémunère en accueillant des clients à la façon d’une chambre d’hôte.

Que s’est-il passé lorsque la situation sanitaire a empiré au Pérou ?

Tout d’abord, la semaine avant la rentrée officielle à la UNALM, l’université a annoncé son report d’une semaine. J’ai donc choisi de rester quelques jours de plus dans ma structure de stage, avant de rejoindre Lima. Le dimanche suivant, le confinement a été annoncé par le gouvernement pour le lendemain. Je suis restée en quelque sorte « bloquée » au Champal avec les dix personnes présentes à ce moment-là.
Nous ne savions absolument pas pour combien de temps nous serions confinés mais le fait d’avoir la possibilité de rester au Champal était sécurisant pour moi, j’avais au moins un logement pendant le confinement !

Qu’en-est-il de ton semestre d’échange ? Comment as-tu suivi les cours ?

La rentrée a encore été reportée mais cette fois-ci, nous n’avions pas de date précise. La situation semblait prendre une ampleur que personne n’avait mesurée. Le confinement durait et l’université ne voulait pas se lancer dans les cours virtuels, car l’accès internet des différents étudiants des facultés publiques est parfois compliqué. Puis, voyant que les étudiants prendraient trop de retard et que la situation sanitaire ne s’améliorait pas, la UNALM a mis en place les cours virtuels à la mi-juillet. J’ai alors suivi tout mon semestre 8 virtuellement, d’abord depuis ma structure de stage et le dernier mois depuis la France car mon billet d’avion était déjà prévu pour octobre.

Comment vivais-tu le quotidien dans cette communauté ?

Dans cette collectivité, l’organisation des tâches était régie par un planning hebdomadaire. A tour de rôle nous étions de cuisine, de ménage, de vaisselle, etc. J’avais une mission de stage qui était un travail bibliographique. Nous pouvions aller travailler dans les salles communes, mais nous réalisions les horaires que nous voulions, prenions les pauses et vacances que nous voulions, tant que nous réalisions notre travail ainsi que les tâches communes.

Qu’est-ce qui t’a marquée dans cette aventure ? As-tu une anecdote à nous raconter ?

Ce qui m’a marquée c’est l’adaptation dont nous avons fait preuve tous ensemble dans cette épreuve. L’entreprise était au bord du gouffre d’un point de vue économique car elle ne pouvait plus accueillir de client. Mais nous avons réadapté les activités de l’entreprise : nous avons commencé à produire du pain et à le vendre dans le magasin d’un ami, nous donnions, avec deux autres françaises, des cours virtuels de français. Dès que nous avons eu le droit de sortir, nous avons commencé un potager et un élevage de lapin pour être plus autosuffisants, et enfin nous avons déménagé début août pour diminuer les charges.
Je n’ai pas d’anecdote en particulier en tête, mais plutôt le fait de s’être rendu compte beaucoup plus tard du rythme effréné que nous avions. Je suivais les cours de la fac, malgré une connexion internet chaotique, je réalisais les tâches collectives, le pain, m’occupais des lapins et du potager et je donnais deux heures de classe de français par jour ; une à six heures du matin et une à vingt heures. Et bien sûr, depuis que nous avions déménagé nous faisions les lessives à la main, nous vivions dans des bungalows dans lesquels nous nous douchions à l’eau froide ; la vraie aventure ! Je pense que c’est grâce au collectif, aux amitiés qui se sont formées, que nous avons tous tenu malgré les mois difficiles que nous avons traversés. Et aussi, de voir qu’il y avait des situations bien plus critiques partout dans le pays.

Quelles difficultés as-tu rencontré, et comment les as-tu affrontées ?

Je pense que le plus difficile pour moi a été d’affronter la frustration d’être confinée aussi longtemps quand saute le pas pour la première fois de partir dans un pays loin de chez soi. Heureusement nous étions nombreux et nous avions un grand hôtel pour nous, un jardin et des animaux.
Ce qui a également été compliqué a été d’être confinée avec des personnes qui sont à la fois tes collègues de travail, tes colocataires, et puis finalement tes amis. Nous étions 10 à être enfermés dans un hôtel pendant 2 mois sans pouvoir passer le portail, sauf les deux personnes responsables des courses. Fin mai nous avons commencé à sortir de temps en temps mais les communications avec toutes les villes étaient coupées, seuls des camions de ravitaillements arrivaient pour approvisionner le village en produits et denrées de base.
Enfin une autre chose qui a été compliquée pour moi a été de confronter la réalité du Pérou avec celle de la France. La situation était beaucoup plus compliquée au Pérou mais les gens s’en plaignait beaucoup moins. Le système de santé a vite été débordé. Les gens, qui vivent essentiellement de leur commerce dans les rues se sont retrouvés sans salaire du jour au lendemain, pour de nombreux mois, et il n’y a pas d’aide comme en France. Aujourd’hui la situation reste compliquée et le deuxième confinement, en février, a beaucoup moins été respecté car les gens ont besoin de travailler.

Quels apprentissages en as-tu tiré ?

Que c’est grâce à la volonté de tous que nous avons surmonté ces étapes. Aussi, grâce à la communication que nous avons instaurée durant les réunions. Il ne fallait pas négliger ses émotions car nous étions tous sous tension et un rien pouvait faire déborder le vase. Nous parlions donc aussi de nos émotions en réunions, des éventuelles tensions, comme des points positifs et améliorations.
Aujourd’hui l’entreprise remonte la pente, elle s’est réadaptée en accueillant des clients en camping et en proposant des activités de plein air.

Quels conseils donnerais-tu aux étudiants qui souhaitent partir ?

De partir ! Aucune expérience ne se ressemble mais toutes sont enrichissantes. Il ne faut pas trop hésiter, à défaut de le regretter plus tard.

Et si c’était à refaire ?

Si c’était à refaire je repartirais bien sûr. Pourtant, oui j’ai été déçue de n’avoir jamais connue ma fac, mais comment aurais-je pu savoir ? Et puis, j’ai vécu dans un petit village des Andes pendant 8 mois et demi ; expérience que je ne vivrais certainement pas deux fois. J’ai rencontré plein de personnes formidables qui resteront de super amis. et j’ai pleins de bons souvenirs de cette année si singulière.